mercredi 6 janvier 2010

friday december 18th - cap'tain


Ce soir nous jouerons au Watermill Center notre récital de fauves. Nous entrons dans le grand atelier, ce sera le dernier matin à considérer ce lieu comme le nôtre. Le décor conçu la veille n'a pas bougé. Les lambeaux de papiers que la grande intendante Elke avait accroché à l'aide de ses longs bras restaient suspendus, l'image projetée par l'arrière restait projetable. J'avais trouvé cette photo dans le New-York Times du 10 décembre. Un glacier fondu en Bolivie proche d'une granita hallucinogène surplombée par des montagnes moelleuses. Je pensais ce paysage comme une amulette pour notre spectacle. Nous ne savons toujours pas si nous allons faire ce fichu film d'horreur en ombres chinoises ou pas du tout. David doute. Et puis nous le ferons finalement par amour du risque. Je suis d'une humeur effroyable. Je rate deux cafés à la Bodum-cafetière et réussi le troisième à l'italienne. Dans la cuisine, alors que j'éponge le jus de café Sherry raconte des histoires de divas tchèques et de ténors à perruque. Je ris, enfin je la sens naturelle et je la trouve drôle et gracieuse, elle a quitté ses répliques de série télé. Nous faisons un filage. L'heure passe, les heures passent, il est 6pm et nous jouons dans une heure. Claude reste avec grande Elke du côté de la scène, elle accroche des trucs en l'air, des lumières je crois, je suis derrière et coiffe la Frida. Mon collant est fendillé, échelé, deux lignes se dessinent depuis le haut de mon cul et filent dans l'entrecuisses, un point de vernis moche rouge termine chacune d'elle, je suis horrifiée et puis oublie et fixe trois plumes sur le crâne de Frida. David souffle fort, sa banane est montée, son membre en chaussettes aussi.
Il n'est pas 7pm que quelqu'un s'est déjà installé. Cela m'énerve qu'y faire. Il est 7pm maintenant le tout Southampton s'est installé, face à la Bolivie en train de fondre il attend les Vraoums. Le film d'horreur en ombres chinoises les fait déjà rire et je jubile. Je sens que nous jubilons. Nous avons fait une heure et quart de concert. Ce que j'ai ressenti était une force et un bonheur inouï, notre ensemble il me semble n'a jamais été si réussi. Je sens une liberté, une félicité sur scène plus grande que jamais. La bande des Wakka Wakka rit aux éclats, autant de nos farandoles scéniques que de la tête des balais coincés de Southampton qui se débrident peu à peu et finit par rire aussi tellement. À la fin nous aurons un "talk", notre premier talk tiens, enfin considérées comme talkables, et nous répondrons en anglais avec plaisir à chacune des questions posées. Et puis on va picoler, picorer avec le tout Southampton que je trouve finalement fort agréable. Les femmes refaites se défont à l'aide d'un cheedar jeune et de peu de cacahuètes, les chaussures bateaux sautillent en clamant "Vous allez jouer à Brooklyn ! That's great ! It's so avant-garde". Oui, le lendemain nous serons à Brooklyn pour jouer dans un "dinner and show". Je repense à cette conversation avec Vincent qui disait que "l'underground" était un label américain, une estampillation comme notre champagne en France. Pourtant sur scène pour notre public américain nous avions essayé de briser la carrière de Mireille Giuliano et ses clichés terrifiques contenus dans "French women don't get fat"... Vous me suivez ? Aucune importance, ce soir-là nous sommes souriantes et radieuses comme des oiseaux des tropiques, je nous aime entièrement, je ne voudrais plus nous quitter.




Bye bye Watermill

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